La fonction FIR, qui participe effectivement de nos ressources humaines mais dont la temporalité est hétérogène à une comptabilité étroite du temps de travail, semble matière à soupçon chez les techniciens des personnels et autres gestionnaires des ressources humaines. D’où, conformément à ses idéaux de transparence et contrôle, la tendance de l’administration à réduire la fonction FIR à un temps mesurable, sur lequel se trouve désormais régulièrement rabattu le modèle de la Formation Continue. Cette tendance peut maintenant s’inscrire dans la voie royale que lui offre la nouvelle circulaire : la fonction FIR s’y trouve définie comme temps de « démarche personnelle », autrement dit un temps échappant à la comptabilisation des actes qui constitueraient le « vrai » temps de travail. L’exemple même en est fourni par l’annexe à la circulaire (« Compte rendu individuel de l’utilisation du temps FIR »).
La fonction FIR peut-elle être mise en tableau ? Peut-elle être réduite à un acte horodaté, qui ferait preuve de la capitalisation de savoirs ? A contrario la position professionnelle des psychologues consiste notamment en un travail portant sur cela même qui fait certitude et sur ce qui peut conduire à s’en défaire. Il y aurait lieu de nous montrer pédagogues à l’égard de nos interlocuteurs administratifs qui ignorent le plus souvent en quoi consiste notre travail.
Autre exemple de dérive en matière de fonction FIR, relaté par un de nos collègues : dans l’établissement hospitalier où il travaille, il est arrivé au directeur d’affirmer que les supervisions d’équipe sont du registre du FIR et non du temps de travail clinique. Ce qui se profile est une redéfinition comptable de la fonction clinique et de la fonction FIR. En effet, une supervision d’équipe est-elle comptabilisable comme acte ? Entre-t-elle dans la liste des actes tarifés ?
Dans le contexte actuel, on proposera un scénario possible de glissement supplémentaire, un scénario de gestionnaire avec les conséquences et altérations qui en découleraient. Un scénario où le temps clinique serait celui des actes, au sens de leur tarification ; alors le temps clinique serait rentable. Le reste, tout le reste, compterait alors pour peu ou peut-être pour rien : supervisions, temps institutionnel, accueil des étudiants. Le reste, ce serait du FIR.
L’exercice de la fonction FIR est difficile parce qu’il s’agit moins de s’y appuyer sur un Savoir que d’élaborer les vicissitudes de la vie psychique. Face à la difficulté de rendre compte de ce qui reste, de la fonction FIR, on comprend la facilité qu’il y aurait à répondre aux demandes quantifiantes de l’administration. Quel sera le prix de cette facilité ? Mais en apportant satisfaction à ce type d’attentes administratives, en ne résistant pas à cette pression, nous participerons à ce mouvement consistant à sortir les psychologues de leur fonction de cadre de conception pour en faire au mieux des techniciens.
Dans l’état actuel des choses, il conviendrait de réactualiser l’histoire du « temps FIR » afin de redéfinir le contenu de la fonction FIR, comme condition organique de l’exercice de la profession. Par exemple, le temps FIR a aussi été considéré à une époque comme une compensation de salaire, mais nous ne pouvons pas aujourd’hui nous en tenir à ce type d’argument (d’ailleurs historiquement erroné). Nous sommes à une époque où dominent massivement l’opératoire et l’objectivable. Celles et ceux qui ne s’inscrivent pas dans ce schéma sont dérangeants, mais précieux. N’y-a-t-il pas lieu de nous compter parmi eux et de soutenir cette position, conformément d’ailleurs à l’histoire et aux enjeux de la profession de psychologue clinicien ? Evoquant l’histoire de notre profession, l’une d’entre nous rappelle que lorsque les psychologues sont rentrés dans les hôpitaux, ils représentaient la garantie d’une alternative à l’objectivation médicale de la folie. Dans la fonction FIR réside précisément une part essentielle de notre aptitude à prendre en charge, à prendre en compte la valeur de ce qui n’est pas réductible à l’opératoire, de ce qui n’est ni objectivable ni quantifiable. Dans la fonction FIR réside une part essentielle de notre aptitude à nous situer au niveau de ce reste. De ce qui est humain.
(Note établie à partir des échanges dans le cadre de l’Inter Collège IDF)