Par Martine Vial-Durand
Coordinatrice Inter-collèges IDF
Janvier 2012
A quelques encablures des discussions officielles sur la question d une structuration de la profession, il est un Inter-Collèges des psychologues hospitaliers d’Ile de France qui s’est donné mission de rassembler et de soutenir l’aventure toujours novatrice des collèges de psychologues.
Trente et un collèges de la région se sont sentis concernés par cet élan qui veut maintenir ouvert les chemins de la diversité des approches professionnelles et ne considèrent pas comme obsolète le chemin majeur de l’inconscient dans un contexte idéologique de clôture et de fermeture à ce dernier.
Attentif aux négociations qui ont lieu actuellement à la DGOS sur toutes les questions qui concernent la profession dans son ancrage à l’hôpital et ce qu’elle représente encore du caractère sacré de la rencontre avec la folie, l’Inter-Collège IDF s’inquiète de l’asepsie technocratique qui livre la psychiatrie pieds et poings liés au discours performatif de la nouvelle gouvernance.
Loin, si loin de la somme d’expériences nécessairement modestes, laborieuses mais si riches du terrain, les décisions liées à la loi HPST avancent campées sur leurs notions phares : rendement, évaluation et rentabilité des soins ; ce faisant elles sonnent pour beaucoup le tocsin d’une psychiatrie humaniste à laquelle la profession de psychologue dans sa majorité est structurellement et profondément attachée.
Serait-ce en raison même de cet attachement qu’elle est aujourd’hui l’objet de toutes les suspicions et celui de l’attention particulière de l’actuel ministère ?
Nous aurions quelques raisons de le penser.
Une ère du soupçon
L’Inter-collèges s’étonne d’une atmosphère de suspicion qui accompagne les négociations en cours. Si l’on ne prête qu’aux riches, la profession est alors certainement plus dotée qu’elle ne l’a jamais su : d’ « électrons libres » en « profiteurs de leur statut » les psychologues hospitaliers sont à la fête de rumeurs les plus fantaisistes qui s’acharnent à déconstruire voire dénaturer leurs pratiques.
Vous, qui assurez la majorité des consultations et des thérapies sur les services depuis de longues années ne vous enjoignait-on pas fort récemment d’aller chercher un titre de psychothérapeute qui dans sa programmation dévalue vos hautes qualifications ?
Vous, qui vous fa îtes partenaires à part entière de la culture des services auxquels vous êtes rattaché cherchant tout moyen de soutenir la capacité réflexive des équipes soignantes et de mettre en travail les difficultés qu’imposent la rencontre avec la folie, ne vous voilà pas taxés d’électrons libres ?
Vous auxquels le Décret de 1991 indiquait la voie :
« ils collaborent au projet thérapeutique ou pédagogique du Service qui (le projet bien sûr) comporte deux aspects : une fonction clinique et une fonction FIR » ;
Ce nouage de fonctions ne faisait-il pas de vous l’obligé d’une profession entièrement articulée au projet collectif auquel vous apportiez votre contribution ?
Ce temps FIR que l’on vous compte aujourd’hui comme un privilège alors qu’il est une épreuve indispensable à l’éclairage de l’acte, combien d’entre vous ne l’ont jamais compté aussi bien en heures que sur un plan financier quand il vous faisait injonction de ne pas vous contenter d’idées reçues et d’aller plus loin transformer ce rapport de soi à soi, qui, inexploré, fait obstacle a l’approche des complexités de la subjectivité ?
Alors que vous n’avez cessé d’en apporter les bénéfices dans vos services évoquant à chaque entretien annuel avec votre médecin-chef les actions et réflexions menées, n’entend-on pas formuler que vous refusez de rendre compte de cette fonction ?
Est-il enfin acceptable que les contractuels fassent l’objet d’une division qui entérine la rupture d’un contrat démocratique voulant que chaque professionnel soit traité à égalité dans son statut et ses obligations ?
Comment pourrions nous ne pas déceler dans tous ces contre sens et ces déformations une offensive contre la profession à laquelle les psychologues eux-mêmes précarisés finissent par consentir en doutant du bien fondé de leur droits et devoirs.
Une volonté de mise en ordre ?
Nous entendons ces derniers temps qu’il conviendrait de rattacher cette profession trublion à un Service de psychologie assorti d’un chef, rappelant en cela le modèle cher à la loi HPST qui fut choisi pour la CME : un seul patron, là où l’approche collégiale eut été souhaitable attelant chacun au travail réflexif et représentant un barrage aux tentations d’arbitraire et d’excès de pouvoir.
Tout comme le symbole et l’image finissent par remplacer dans notre société l’argument et le texte, il est à craindre de la hiérarchisation et de l’évaluation transformées en doctrine qu’elles ne masquent l’absence de représentations des particularités professionnelles dont il est ici question et plus encore l’absence d’un vrai projet de société pour la psychiatrie.
Arrêtons nous un instant sur l’utilisation du terme « structuration » de la profession qui se trouve être en cours d’élaboration et à l’ordre du jour de la prochaine rencontre avec la DGOS ; veut-il signifier que notre profession ne le serait pas ?
Nous avons déjà fait état de nos réflexions à ce sujet dans les deux courriers que nous avons précédemment adressé aux négociateurs : la profession est contrainte et structurée par un partenariat avec le service ou le pôle auquel elle astreint sa participation. Sachant cela, personne ne peut faire l’économie de la solitude que cela implique ni celle de la nécessité de travailler avec ses pairs sous de multiples formes. Si structuration veut dire ici instance de contrôle alors soyons plus clairs et parlons plutôt de restructuration.
L’Inter-Collèges s’indigne
Il demande dans un tout premier temps que cesse ces incessantes suspicions, divisions et mauvais traitements en direction de la profession et que les syndicats y veillent tout particulièrement.
Il demande que soient officialisés les collèges déjà reconnus comme lieux référentiels et interlocuteurs à part entière des Directions et Pôles médicaux selon les élections de leurs pairs qu’ils ont eux même mis en place.
Les psychologues savent depuis longtemps qu’il n’est pas de véritable individu sans supports et c’est pourquoi les collèges ont été de longue date leur création auto-instituante.
La profession a depuis toujours mesuré et pesé la nécessité de se regrouper, d’échanger sur les pratiques, de trouver appui réflexif et de se fonder en dialogue auprès des instances administratives et médicales.
Si les modes d’existence et de reconnaissance des collèges présentent une grande variété de positionnement et de visibilité c’est pour avoir été inévitablement liés aux particularismes des lieux professionnels dans lesquels ils ont vu le jour sachant qu’il ne peut y avoir de modélisation reproductible à l’identique quand à leur dynamisme.
Il est grand temps que les psychologues se souviennent qu’ils ont déjà et doivent encore et toujours faire société.